La viticulture européenne dans l'incertitude face à la pression de l'OMS en faveur de politiques plus strictes en matière d'alcool

19-09-2025

Les dirigeants du secteur vitivinicole avertissent que les règlements proposés pourraient menacer des traditions séculaires et la stabilité économique des régions viticoles d'Europe.

L'Académie internationale du vin (AIV), une association respectée d'experts en vin basée à Lausanne, en Suisse, a lancé un avertissement public sur ce qu'elle décrit comme un "risque existentiel" pour la culture du vin en Europe. Les inquiétudes du groupe se concentrent sur la récente initiative de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) visant à "dénormaliser" la consommation de vin, ce qui, selon l'AIV, pourrait avoir des conséquences considérables pour les traditions séculaires et l'industrie vinicole mondiale.

Dans une lettre ouverte adressée aux chefs de gouvernement de tous les États membres des Nations unies, l'AIV affirme que les propositions actuelles de l'OMS menacent non seulement la stabilité économique des régions productrices de vin, mais aussi un héritage culturel qui a façonné la société européenne pendant des milliers d'années. Cette lettre arrive à point nommé, puisque les dirigeants du monde entier doivent voter une résolution concernant la politique en matière d'alcool lors de la 80e Assemblée générale des Nations unies, le 25 septembre 2025.

Cette résolution, qui porte sur la prévention des maladies non transmissibles et la promotion de la santé mentale, prévoit des mesures visant à réduire ce qu'elle appelle "l'usage nocif de l'alcool". Ces mesures comprennent l'interdiction ou la restriction sévère de la publicité pour l'alcool, la limitation de l'accès physique aux boissons alcoolisées et l'application de lois plus strictes sur la conduite en état d'ivresse. Bien que ces mesures soient présentées comme des initiatives de santé publique, l'AIV et d'autres acteurs du secteur vitivinicole estiment qu'elles pourraient conduire à une forme de prohibition qui saperait à la fois les moyens de subsistance économiques et les pratiques culturelles.

La lettre de l'AIV souligne qu'en 2023, l'OMS a publié une étude affirmant qu'il n'existe "aucun niveau sûr" de consommation d'alcool. Cette position a été largement relayée par les médias internationaux et a influencé les discussions politiques. Cependant, de nombreux viticulteurs et certains universitaires contestent ces conclusions, citant des recherches suggérant qu'une consommation modérée de vin peut avoir des effets bénéfiques sur la santé des adultes de plus de 40 ans. Les critiques affirment également que l'étude de l'OMS présentait des lacunes méthodologiques et qu'elle citait des données de manière sélective.

Au-delà du débat scientifique, les vignerons et les groupes de défense des droits avertissent que les campagnes anti-alcool font pression en faveur de réglementations encore plus strictes. Il s'agit notamment des avertissements sanitaires obligatoires sur les étiquettes des vins, de l'augmentation des droits d'accise, de l'interdiction de la publicité et même de l'interdiction de boire du vin dans les espaces publics tels que les terrasses de restaurants ou les cafés en plein air. L'AIV considère ces mesures comme des étapes vers une approche prohibitionniste globale qui effacerait les façons traditionnelles d'apprécier le vin.

Guillaume d'Angerville, président de l'AIV, a décrit la décision de l'organisation de s'exprimer publiquement comme étant sans précédent mais nécessaire. Il a souligné que la menace posée par les propositions politiques actuelles est urgente et nécessite une action collective de la part de ceux qui valorisent la culture du vin. Véronique Sanders, Chancelière de l'AIV, a expliqué que leur motivation est enracinée dans le désir de rappeler aux gens du monde entier le rôle du vin dans l'histoire de l'humanité et sa fonction de langage universel reliant les gens à travers les frontières.

L'AIV insiste sur le fait que toute action législative doit être fondée sur des preuves scientifiques solides et vérifiées de manière indépendante. Le groupe demande que des études randomisées à long terme, semblables à celles requises pour l'approbation des produits pharmaceutiques, soient menées avant que des restrictions radicales ne soient adoptées. Il affirme que l'éducation à la modération est préférable à l'interdiction pure et simple.

La lettre ouverte fait également référence aux travaux de Laura Catena, médecin et viticultrice américaine, et de la journaliste Felicity Carter, qui ont compilé des recherches remettant en cause certaines affirmations anti-alcool. L'AIV encourage les décideurs politiques à examiner ces ressources avant de prendre des décisions qui pourraient avoir des effets irréversibles sur la culture du vin.

La lettre se termine par un appel à l'équilibre : elle invite les dirigeants à combattre les excès tout en reconnaissant la valeur de la modération, à protéger la santé publique sans effacer les traditions culturelles et à préserver le lien entre l'homme et la viticulture en tant qu'élément du patrimoine commun de l'humanité.

La liste des signataires comprend plus de 80 personnalités de la filière viticole mondiale - producteurs, écrivains, scientifiques et collectionneurs de plus de 20 pays - ce qui souligne l'ampleur des préoccupations au sein du secteur. Le texte intégral de la lettre est disponible sur le site web de l'AIV.

Alors que le débat se poursuit avant le vote de l'Assemblée générale des Nations unies qui aura lieu plus tard dans le mois, de nombreuses régions viticoles d'Europe suivent de près l'évolution de la situation. Pour eux, ce qui est en jeu, ce n'est pas seulement le commerce ou la tradition, mais un mode de vie transmis de génération en génération.