La tarification minimale de l'alcool pourrait réduire la consommation nocive d'alcool et aider les petits producteurs de vin

18-09-2025

Une étude révèle que le prix unitaire minimum réduit la consommation chez les gros buveurs, stabilise les recettes fiscales et profite davantage aux entreprises viticoles de taille moyenne qu'aux grandes entreprises.

Une nouvelle étude menée par les économistes français Céline Bonnet, Fabrice Etile et Sébastien Lecocq examine les effets de différentes politiques de tarification de l'alcool en France, un pays où la production et la consommation de vin sont profondément ancrées dans la culture et l'économie. La recherche, menée à la Toulouse School of Economics et à la Paris School of Economics, utilise des données détaillées sur les achats des ménages pour simuler l'impact de la tarification unitaire minimale (PUM) et des taxes volumétriques sur l'éthanol sur le comportement des consommateurs, les profits de l'industrie et la santé publique.

L'étude aborde un problème de longue date dans les pays producteurs de vin : les réglementations actuelles sur le prix de l'alcool reflètent souvent les intérêts des producteurs nationaux et les traditions culturelles plutôt que les priorités de santé publique. En France, par exemple, les taxes spécifiques sur le vin sont quasiment nulles, alors que le vin représente plus de la moitié des achats d'éthanol des ménages. Les spiritueux et la bière sont soumis à des taux d'imposition beaucoup plus élevés. Cette structure a rendu difficile la mise en œuvre de réformes visant à réduire les dommages liés à l'alcool.

Pour évaluer les réformes potentielles, les chercheurs ont développé un modèle qui intègre à la fois les préférences des consommateurs - couvrant la quantité et la qualité dans six catégories d'alcool - et les décisions stratégiques des entreprises en matière de prix. Ils ont calibré ce modèle en utilisant les données du scanner de 2014 de plus de 11 000 ménages français, qui comprenaient des informations détaillées sur les prix, les attributs des produits et les volumes d'achat.

L'équipe a comparé plusieurs scénarios politiques : le remplacement des taxes actuelles par des taxes volumétriques uniformes ou progressives basées sur la teneur en éthanol ; l'introduction d'un prix unitaire minimum de 0,50 € par boisson standard (environ 10 grammes d'éthanol), similaire à la politique adoptée en Écosse ; et des combinaisons de ces approches. Chaque scénario a été évalué en fonction de son impact sur les achats globaux d'alcool, sur les habitudes de consommation des gros buveurs, sur les bénéfices de l'industrie et sur les recettes fiscales de l'État.

Les résultats montrent que l'application d'un prix unitaire minimum en plus des taxes existantes réduirait de 15 % les achats moyens d'alcool pur par les ménages, surpassant même les scénarios de taxes fortement progressives (qui ont permis une réduction de 10 %). L'effet est particulièrement prononcé chez les ménages qui consomment beaucoup d'alcool, où la consommation a chuté de 17 %. La politique du MUP a également modifié la dynamique du marché : les bénéfices des petits et moyens producteurs de vin ont augmenté de près de 40 %, tandis que les grands fabricants et détaillants ont vu leurs bénéfices diminuer dans les mêmes proportions. Les recettes fiscales sont restées stables dans le cadre du scénario MUP, car l'augmentation des recettes de la taxe sur la valeur ajoutée a compensé la réduction des volumes de vente.

En revanche, les réformes fondées uniquement sur la taxation volumétrique ont donné des résultats mitigés. Les taxes uniformes ou progressives à faible taux ont parfois entraîné des augmentations involontaires des achats d'alcool pur, les consommateurs se tournant vers des produits à plus forte teneur en alcool devenus relativement moins chers. Seules les taxes progressives à taux élevé ont permis de réduire la consommation de manière significative, mais elles n'ont pas ciblé les gros buveurs aussi efficacement que les MUP.

L'étude a également montré que le système français actuel est régressif : les ménages à faible revenu paient une part plus importante de leur revenu en taxes sur l'alcool que les ménages plus aisés. Le MUP et les taxes progressives élevées réduiraient cette disparité en concentrant les augmentations de prix sur les produits moins chers privilégiés par les gros buveurs.

Du point de vue de l'industrie, l'introduction d'un prix unitaire minimum profiterait aux petits et moyens producteurs de vin qui vendent généralement des produits de milieu de gamme. Ces producteurs gagneraient des parts de marché car les vins d'entrée de gamme - souvent produits par de grandes entreprises - deviendraient moins compétitifs en raison des prix planchers obligatoires. Cette politique découragerait également la vente de vins de qualité médiocre et à forte teneur en alcool, qui dominent actuellement le marché de masse.

Les chercheurs soulignent que toute réforme doit être conforme aux règles de l'Union européenne interdisant toute taxation discriminatoire entre les produits nationaux et les produits importés. Les politiques ciblant la teneur en éthanol dans toutes les catégories ont plus de chances de satisfaire à ces exigences légales si elles peuvent être justifiées par des raisons de santé publique.

La position unique de la France en tant que deuxième producteur mondial de vin signifie que toute modification de la politique de tarification de l'alcool est politiquement sensible. Le secteur soutient des centaines de milliers d'emplois et est étroitement lié à l'identité nationale. Les précédentes tentatives d'introduction d'un prix minimum se sont heurtées à une forte opposition de la part des groupes industriels et des représentants politiques.

Malgré ces difficultés, l'étude montre que la tarification unitaire minimale pourrait être un outil efficace pour réduire la consommation nocive d'alcool sans nuire aux petits producteurs ni aux recettes publiques. Les auteurs affirment qu'une telle analyse ex ante est essentielle pour éclairer les débats sur la réglementation de l'alcool dans les pays producteurs de vin, où les facteurs culturels et économiques l'ont toujours emporté sur les préoccupations de santé publique.

Les résultats s'alignent sur les évaluations réalisées en Écosse et au Pays de Galles, où la tarification minimale a permis de réduire les achats d'alcool chez les gros buveurs sans avoir d'effets négatifs significatifs sur les consommateurs modérés ou sur les recettes fiscales globales. Toutefois, le contexte français présente des différences importantes : le vin est davantage intégré à la vie quotidienne et aux repas que dans les pays où les traditions de consommation de bière ou de spiritueux sont plus fortes.

L'approche de modélisation de l'étude permet une analyse détaillée des réactions de l'offre et de la demande aux changements de politique. Elle tient compte de la substitution des consommateurs entre les types et les qualités de produits, ainsi que des ajustements stratégiques de prix par les fabricants et les détaillants. Ce niveau de détail permet d'identifier les segments du marché qui seraient gagnants ou perdants sous différents régimes réglementaires - une considération essentielle compte tenu de l'influence politique des différents acteurs du secteur.

Bien que l'étude se concentre sur la consommation à domicile (en raison de la limitation des données), elle suggère que la tarification unitaire minimale pourrait être une stratégie viable pour réduire les dommages liés à l'alcool en France sans compromettre la viabilité économique de son secteur vinicole diversifié. Les auteurs recommandent de poursuivre les recherches sur la manière dont ces politiques pourraient affecter la consommation hors domicile ou interagir avec d'autres mesures de santé publique.

Alors que les décideurs politiques de toute l'Europe continuent d'être confrontés à l'augmentation des coûts de santé liés à la consommation d'alcool, cette étude offre de nouvelles perspectives sur la manière dont des stratégies de tarification ciblées peuvent concilier les objectifs de santé publique et les réalités économiques dans des pays où le vin est plus qu'une simple boisson : il fait partie intégrante du tissu national.